Artisanal: qu’est-ce que cela veut dire?

 In dans la presse

ARTISANAL : qu’est-ce que cela veut dire ?

Une réflexion de Claude Lambert, philosophe-informaticien engagé et travaillant chez Pains & Tradition.

Bridor, un des leader de la boulangerie industrielle française vient de publier dans la revue professionnelle « Savour & Co » un article intitulé « Cap sur le milliard d’euros » avec comme formules choc : « Artisan dans le produit et industriel dans la gestion » et « Il n’y a de valeur que l’homme ».

De nos jours « Tradition », « Artisanat », « Valeur de l’homme » « local » « durable » font partie des messages à la mode mais ne correspondent habituellement que sous une forme dégradée à la réalité. Etant juste selon certains points de vue, il est difficile d’affirmer que ce n’est pas vrai. Par contre, il ne s’agit que d’une acception partielle. En effet, un produit peut être issu d’une recette artisanale tout en étant le produit d’un processus industriel, le bio peut être industriel, le circuit court n’exige pas le respect entre partenaires, le durable peut ne concerner que certains ingrédients d’un produit, le commerce équitable être à l’origine de la famine …

Lorsque Pains & Tradition parle d’artisanat ou d’un style de production en grandes quantités, il ne s’agit pas d’industrie.

Chez Pains & Tradition, la recette est à la fois issue de la tradition tout en perpétuant une pratique artisanale au niveau des processus de fabrication et des outils utilisés. A cette fin, il est intéressant de reprendre une définition de l’artisanat émanant d’une institution internationale telle que l’UNESCO :  « On entend par produits artisanaux les produits fabriqués par des artisans, soit entièrement à la main, soit à l’aide d’outils à main ou même de moyens mécaniques, pourvu que la contribution manuelle directe de l’artisan demeure la composante la plus importante du produit fini.« .

 

L’artisanat se défini donc également par le rapport de l’artisan à l’outil. Ce dernier doit rester maniable (Étymologiquement : de la main) c’est à dire que la mise en oeuvre de l’outil reste dans un rapport étroit avec l’énergie métabolique naturelle de l’homme. Passé un certain seuil, l’outil réclame une quantité d’énergie telle que ce n’est plus celle de l’homme qui prédomine mais bien une énergie extérieure. On passe ainsi de l’outil maniable à l’outil manipulable, l’artisan devient l’opérateur de machines. Nous basculons alors de l’artisanat à l’industrie.

 

L’outil juste répond à trois exigences : il est générateur d’efficience sans dégrader l’autonomie personnelle, il ne suscite ni esclaves ni maîtres, il élargit le rayon d’action personnel. L’homme a besoin d’un outil avec lequel travailler, non d’un outillage qui travaille à sa place. Il a besoin d’une technologie qui tire le meilleur parti de l’énergie et de l’imagination personnelle, non d’une technologie qui l’asservisse et le programme.

 

A la différence de l’industrie, l’artisanat a certaines limites. En effet, sa limite est celle de l’énergie métabolique de l’homme. L’industrie n’a de limite que la puissance de l’outil auquel se soumettent les hommes chargés de l’alimenter. L’industrie fait massivement appel à une énergie extérieure qui doit rester bon marché et de préférence inépuisable. L’illusion des atouts de l’industrialisation est conditionnée à l’accès à une énergie externe bon marché et à la déconsidération vis-à-vis de la production d’externalités (ex : déchets) hors du périmètre de l’unité de production.

 

A partir de cette relation de l’homme à l’outil, on peut mettre en évidence ce que veut dire la valeur de l’Homme. Car encore une fois, annoncer que l’on place la valeur dans l’Homme peut être compris de bien des manières différentes : cela peut être la valeur productive de l’homme envisagé comme « serviteur » de la machine ou la valeur de l’homme « utilisateur » d’outils et qui reste responsable, créatif et autonome. Dans la première conception, nous allons le former à l’utilisation de l’outil, à maintenir sa motivation par du teambuilding, du coaching, … Dans la seconde, on va privilégier : la responsabilité, la transmission d’un savoir-faire, le respect du produit…

 

Une fois ces quelques principes posés, il est plus aisé d’élaborer un discours cohérent qui va au-delà des mots et qui traduit une réalité et une pratique.

 

C’est ainsi que je ne crois pas qu’il faille crier plus fort que le concurrent sur le même ton mais d’élever le débat au niveau des enjeux réels (qui sont aussi sociaux). Il vaut mieux faire entendre un message issu d’une pratique qui sans cesse questionne le rapport ternaire de l’homme, de l’outil et du produit. C’est peut-être le défi le plus exigeant que de se maintenir dans ces limites de ces trois pôles. Si cet équilibre entre ces trois dimensions est respecté alors; la qualité du produit, le respect de l’homme et de son environnement seront en adéquation. Ce n’est pas un acquit mais une exigence éthique à renouveler en permanence car le basculement d’un mode de production à l’autre peut être brutal. Un basculement vers l’industrie affecte la relation de l’homme à l’outil et aux produits mais aussi des hommes entre eux en rigidifiant leurs relations alors guidées par les procédures conditionnées par l’outil.

 

Ces quelques principes posés, nous, Pains & Tradition, voulons bien dialoguer avec un représentant de l’industrie alimentaire et mettre en évidence l’usurpation du sens des arguments qu’il utilise et de la focalisation qu’il fait sur un aspect,

sans tenir compte d’une vision d’ensemble.

 

Et dans ce sens, nous sommes prêt à ouvrir nos portes. Au-delà des discours, c’est sur le terrain que l’évidence de la différence entre P&T et une forme industrielle est manifeste.

Signé : Claude Lambert, Philosophe/informaticien engagé et travaillant chez Pains & Tradition.

 

Photo assez révélatrice de l’engagement « artisanal » de la maison Bridor : il y a plus « d’artisans » sur la photo que dans les usines du groupe…

Cap sur le milliard d’euros de CA pour Bridor Boulangerie Industrielle

C’est le vendredi 15 juin dernier, au siège de Servon-sur-Vilaine près de Rennes, que Bridor a célébré ses 30 ans devant un parterre de plus de 450 professionnels réunis, en présence de Jean-Yves Le Drian, Ministre des affaires étrangères et Loïg Chesnais-Girard, Président de la Région Bretagne. De nombreux Meilleurs Ouvriers de France, représentés par leur président Jean-François Girardin, parmi lesquels Jean-Jacques Massé, Frédéric Lalos, et les Cuisiniers de France avec Christian Millet, Pierre Miecaze qui ont répondu présents. Toutes les équipes Bridor étaient donc réunis pour célébrer 30 années de croissance continue (20 % de croissance annuelle en moyenne depuis 10 ans) d’un des fleurons de la boulangerie industrielle française à l’internationale qui devrait enregistrer un chiffre d’affaires de 750 M€ en 2017. Et ce n’est pas terminé ! L’objectif fixé par Louis Le Duff, Président du groupe éponyme (plus de 2 milliards d’€ de CA, près de 2000 restaurants dans le monde et 34 000 collaborateurs) est ambitieux : atteindre le milliard d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2021 et s’imposer comme le leader mondial de la boulangerie à la française ! Le tout dans le respect du travail de la pâte avec deux mots d’ordre : « Artisan dans le produit et industriel dans la gestion » et « Il n’y a que valeur que l’homme ». Bridor, s’est imposé en peu de temps comme un acteur incontournable du secteur avec 10 sites de productions dans le monde : 4 en France (Rennes, Laval, Valence et FBS Paris), 2 au Canada (Québec), 1 aux USA (Philadelphie), 1 en Chine (Pékin), 1 au Royaume-Uni (FBS Londres) et 1 en Argentine (Buenos Aires). Avec 2 500 collaborateurs et 300 commerciaux, le boulanger industriel commercialise 4 milliards de pains et viennoiseries dans le monde et a investit plus de 500 millions d’euros sur ses sites de productions sur la période 2010-2020. Et ce n’est pas fini ! Déjà, le site de Servon accueille depuis peu un nouvel investissement de 50 M€ avec l’installation d’une nouvelle plate-forme logistique ultra robotisée avec 75 000 m2 de stockage. Mais, Philippe Morin, Directeur Général de Bridor, avoue que Servon et l’usine toute proche de Louverné (Mayenne) seront saturée d’ici 2 ans. Un projet pour une nouvelle unité de production est donc déjà dans les tuyaux. La nouvelle usine devrait voir le jour d’ici 3 ans et pourrait toujours être implantée dans « le Grand Ouest », dans une zone d’emploi importante. En effet, Servon-sur-Vilaine et surtout le site de Louverné enregistrent d’énormes problèmes de recrutement.

Il n’y a de valeur que l’homme est-il dit !

A travers cette vidéo réalisée chez Pains & Tradition dans le respect de la tradition et du produit, nous nous réconcilions enfin avec la boulangerie d’il y a 50 ans…